Thursday, May 30, 2019

debouch_1993

THESE : 2003 TOU 3 4102

ENTRE CHIEN ET LOUP : ETUDE BIOLOGIQUE ET COMPORTEMENTALE

_________________

THESE pour obtenir le grade de DOCTEUR VETERINAIRE DIPLOME DETAT prsente et soutenue publiquement en 2003 devant lUniversit Paul-Sabatier de Toulouse par

Laurent, Sylvain, Patrice NEAULT

N, le 7 janvier 1976 BELFORT (Territoire de Belfort)

___________ Directeur de thse : M. le Professeur Roland DARRE ___________

JURY
PRESIDENT : M. Henri DABERNAT ASSESSEUR : M. Roland DARRE M. Guy BODIN

Professeur lUniversit Paul-Sabatier de TOULOUSE Professeur lEcole Nationale Vtrinaire de TOULOUSE Professeur lEcole Nationale Vtrinaire de TOULOUSE

MINISTERE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE

ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE TOULOUSE

Directeur Directeurs honoraires. Professeurs honoraires.. : M. : M. M. M. : M. M. M. M. M. M. M. Mme M. P. DESNOYERS R. FLORIO J. FERNEY G. VAN HAVERBEKE A. BRIZARD L. FALIU C. LABIE C. PAVAUX F. LESCURE A. RICO A. CAZIEUX V. BURGAT D. GRIESS

PROFESSEURS CLASSE EXCEPTIONNELLE M. M. M. M. M. M. CABANIE Paul, Histologie, Anatomie pathologique CHANTAL Jean, Pathologie infectieuse DARRE Roland, Productions animales DORCHIES Philippe, Parasitologie et Maladies Parasitaires GUELFI Jean-Franois, Pathologie mdicale des Equids et Carnivores TOUTAIN Pierre-Louis, Physiologie et Thrapeutique

PROFESSEURS 1re CLASSE M. M. M. M. M. M. M. M. M. M. M. M. M. AUTEFAGE Andr, Pathologie chirurgicale BODIN ROZAT DE MANDRES NEGRE Guy, Pathologie gnrale, Microbiologie, Immunologie BRAUN Jean-Pierre, Physique et Chimie biologiques et mdicales DELVERDIER Maxence, Histologie, Anatomie pathologique EECKHOUTTE Michel, Hygine et Industrie des Denres Alimentaires d'Origine Animale EUZEBY Jean, Pathologie gnrale, Microbiologie, Immunologie FRANC Michel, Parasitologie et Maladies Parasitaires MARTINEAU Guy, Pathologie mdicale du Btail et des Animaux de basse-cour MILON Alain, Pathologie gnrale, Microbiologie, Immunologie PETIT Claude, Pharmacie et Toxicologie REGNIER Alain, Physiopathologie oculaire SAUTET Jean, Anatomie SCHELCHER Franois, Pathologie mdicale du Btail et des Animaux de basse-cour

PROFESSEURS 2e CLASSE Mme M. M. M. M. M. Mme M. M. M. BENARD Genevive, Hygine et Industrie des Denres Alimentaires d'Origine Animale BERTHELOT Xavier, Pathologie de la Reproduction CORPET Denis, Science de l'Aliment et Technologies dans les industries agro-alimentaires DUCOS DE LAHITTE Jacques, Parasitologie et Maladies parasitaires ENJALBERT Francis, Alimentation GUERRE Philippe, Pharmacie et Toxicologie KOLF-CLAUW Martine, Pharmacie -Toxicologie LEFEBVRE Herv, Physiologie et Thrapeutique LIGNEREUX Yves, Anatomie PICAVET Dominique, Pathologie infectieuse

PROFESSEUR ASSOCIE M. HENROTEAUX Marc, Mdecine des carnivores

INGENIEUR DE RECHERCHES M. TAMZALI Youssef, Clinique quine

PROFESSEURS CERTIFIES DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE Mme MICHAUD Franoise, Professeur d'Anglais M. SEVERAC Benot, Professeur d'Anglais MAITRE DE CONFERENCES HORS CLASSE M. JOUGLAR Jean-Yves, Pathologie mdicale du Btail et des Animaux de basse-cour

MAITRES DE CONFERENCES 1re CLASSE M. M. M. M. Mme Mlle Mme M. Mme M. M. Mlle M. M. Mme Mme M. M. M. M. Mme M. Mme Mme M. Mlle M. M. ASIMUS Erik, Pathologie chirurgicale BAILLY Jean-Denis, Hygine et Industrie des Denres Alimentaires d'Origine Animale BERGONIER Dominique, Pathologie de la Reproduction BERTAGNOLI Stphane, Pathologie infectieuse BOUCRAUT-BARALON Corine, Pathologie infectieuse BOULLIER Sverine, Immunologie gnrale et mdicale BOURGES-ABELLA Nathalie, Histologie, Anatomie pathologique BOUSQUET-MELOU Alain, Physiologie et Thrapeutique BRET-BENNIS Lydie, Physique et Chimie biologiques et mdicales BRUGERE Hubert, Hygine et Industrie des Denres Alimentaires d'Origine Animale CONCORDET Didier, Mathmatiques, Statistiques, Modlisation DIQUELOU Armelle, Pathologie mdicale des Equids et des Carnivores DUCOS Alain, Zootechnie DOSSIN Olivier, Pathologie mdicale des Equids et des Carnivores GAYRARD-TROY Vronique, Physiologie de la Reproduction, Endocrinologie HAGEN-PICARD Nicole, Pathologie de la Reproduction JACQUIET Philippe, Parasitologie et Maladies Parasitaires JAEG Jean-Philippe, Pharmacie et Toxicologie LYAZRHI Faouzi, Statistiques biologiques et Mathmatiques MATHON Didier, Pathologie chirurgicale MESSUD-PETIT Frdrique, Pathologie infectieuse MEYER Gilles, Pathologie des ruminants PRIYMENKO Nathalie, Alimentation RAYMOND-LETRON Isabelle, Anatomie pathologique SANS Pierre, Productions animales TRUMEL Catherine, Pathologie mdicale des Equids et Carnivores VALARCHER Jean-Franois, Pathologie mdicale du Btail et des Animaux de basse-cour VERWAERDE Patrick, Anesthsie, Ranimation

MAITRES DE CONFERENCES 2e CLASSE Mlle Mme Mme M. M. M. CADIERGUES Marie-Christine, Dermatologie CAMUS-BOUCLAINVILLE Christelle, Biologie cellulaire et molculaire COLLARD-MEYNAUD Patricia, Pathologie chirurgicale FOUCRAS Gilles, Pathologie du Btail GUERIN Jean-Luc, Productions animales MARENDA Marc, Pathologie de la Reproduction

MAITRES DE CONFERENCES CONTRACTUELS M. DESMAIZIERES Louis-Marie, Clinique quine

MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIE M. REYNOLDS Brice, Pathologie chirurgicale

ASSISTANTS D'ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE CONTRACTUELS Mme MEYNADIER-TROEGELER Annabelle, Alimentation M. MOGICATO Giovanni, Anatomie, Imagerie mdicale M. MONNEREAU Laurent, Anatomie, Embryologie

A lensemble des membres du jury :

A Monsieur le Professeur Henry DABERNAT, Professeur des Universits, Praticien hospitalier, Bactriologie- Virologie, Pour nous avoir fait lhonneur daccepter la prsidence de ce jury de thse.

A Monsieur le Professeur Roland DARRE, Professeur de lEcole Nationale Vtrinaire de Toulouse, Productions animales, Pour sa confiance, Hommages reconnaissants.

A Monsieur le professeur Guy BODIN, Professeur de lEcole Nationale Vtrinaire de Toulouse, Pathognie gnrale- Microbiologie- Immunologie Hommages respectueux.

A mes parents, pour tout leur amour,

A mes grands-parents, qui mont tant apport,

A toute ma famille, pour son soutien tout au long de mes tudes,

A Stphanie et Stphane, pour leur aide et leur patience,

A mes amis,

A tous les chiens que jai aims,

A celle qui ma merveill,

Au monde des loups.

SOMMAIRE
INTRODUCTION............................................................................................................................ 5

CHAPITRE I : APPROCHE HISTORIQUE ET CADRE THEORIQUE DES PRINCIPES DEVOLUTION

ET DE TAXINOMIE

1. Lvolution ...................................................................................................................... 7 2. La taxinomie : science de la classification ....................................................................... 10 CHAPITRE II : LA PLACE DU CHIEN ET DU LOUP DANS LA SYSTEMATIQUE. IMPORTANCE DES CARACTERES MORPHOLOGIQUES. 1. 2. 3. 4. Classification ................................................................................................................... 17 La famille des Canids .................................................................................................... 18 Le genre Canis ................................................................................................................. 23 Taxinomie du chien parmi les Canids : critres morphologiques................................... 28

CHAPITRE III : DU LOUP AU CHIEN A TRAVERS

LA PALEONTOLOGIE

1. Les humains du Palolithique et les loups ....................................................................... 39 2. Les premiers chiens du Msolithique .............................................................................. 42 3. Les chiens du Nolithique ............................................................................................... 47 CHAPITRE IV : LEXPERIENCE DE LA DOMESTICATION 1. Entre hommes et loups, une relation intime fonde sur la chasse .................................... 53 2. Lintgration des louveteaux la vie de lhomme : une tape essentielle du processus domesticatoire................................................................................................................... 55 3. Une domestication pour remplir des fonctions utilitaires ? ............................................. 57 4. La domestication travers les reprsentations symbolico-religieuses des premiers hommes ............................................................................................................................ 59 CHAPITRE V : COMMENT PASSER DU LOUP AU CHIHUAHUA OU AU SAINT BERNARD ? 1. Aspects gnraux de la domestication.............................................................................. 70 2. Les variations parallles des animaux domestiques ........................................................ 71 3. La pdomorphose des chiens domestiques ...................................................................... 77 CHAPITRE VI :
LA PLACE DU CHIEN PARMI LES BIOLOGIE MOLECULAIRE

CANIDES

VUE SOUS LANGLE DE LA

1. Introduction la taxinomie travers la biologie molculaire ......................................... 83 2. Les relations phylogntiques de la famille des Canids au sein de lordre des Carnivores ........................................................................................................................ 89 3. Les relations phylogntiques entre les diffrents Canids ............................................. 90 4. Diversit gntique et origines du chien .......................................................................... 96 5. Mythes et ralits de lapproche gntique ..................................................................... 106 1

CHAPITRE VII : ALIMENTATION ET PREDATION CHEZ LE LOUP 1. 2. 3. 4. 5. Proies et rgime alimentaire ............................................................................................ 111 Le choix des proies .......................................................................................................... 117 Techniques et comportements de prdation .................................................................... 122 Synthse sur la prdation du loup .................................................................................... 130 Comportement de prdation et coopration sociale ........................................................ 135

CHAPITRE VIII : LA PREDATION CHEZ LE CHIEN 1. 2. 3. 4. Etude de la prdation chez les chiens errants .................................................................. 139 Exploration du comportement naturel de prdation travers une enqute ...................... 144 Prdation et slection la chasse ..................................................................................... 155 Prdation et slection chez les chiens de berger .............................................................. 162

CHAPITRE IX : DOMAINE VITAL ET TERRITORIALITE CHEZ LE LOUP 1. 2. 3. 4. 5. 6. Dfinitions ........................................................................................................................ 167 Le domaine vital des meutes ........................................................................................... 168 Distribution spatiale et dispersion extraterritoriale des loups solitaire............................. 179 Loup nomade ou territorial ? ............................................................................................ 184 Domaine vital, territoire et agression territoriale.............................................................. 186 Analyses sur la notion de territoire................................................................................... 190

CHAPITRE X : LES QUALITES EXPRESSIVES CHEZ LE LOUP 1. 2. 3. 4. 5. Marquage urinaire............................................................................................................. 201 Fces et scrtions anales comme marquage odorifrant................................................. 205 Marquage olfactif et contexte territorial........................................................................... 206 Conclusion sur le comportement de marquage................................................................. 208 Les vocalisations chez le loup .......................................................................................... 209

CHAPITRE XI : ECO-ETHOLOGIE DES CHIENS FERAUX 1. Systme social des chiens fraux...................................................................................... 217 2. Domaine vital et territoire chez les chiens errants et fraux............................................. 223 CHAPITRE XII : LE COMPORTEMENT DE MARQUAGE CHEZ LE CHIEN 1. Marquage urinaire............................................................................................................. 233 2. Les autres comportements de marquage odorant ............................................................. 239 CHAPITRE XIII : LA VIE DE REPRODUCTION CHEZ LE LOUP 1. 2. 3. 4. Physiologie de la reproduction ......................................................................................... 243 Comportements sociaux et accs la reproduction.......................................................... 251 Elevage parental ............................................................................................................... 258 La reproduction chez le loup : approche tlonomique.................................................... 263

CHAPITRE XIV : REPRODUCTION CHEZ LE CHIEN 1. Physiologie et endocrinologie sexuelles........................................................................... 267 2. Comportement de reproduction ........................................................................................ 274 3. Elevage parental ............................................................................................................... 277 CHAPITRE XV : LA COMMUNICATION CHEZ LE LOUP 1. Notion de communication ................................................................................................ 279 2. Une communication visuelle trs labore....................................................................... 279 3. Ontogense des comportements agonistiques et des jeux sociaux ................................... 302 CHAPITRE XVI : ORGANISATION DE LA VIE SOCIALE CHEZ LE LOUP 1. Modle social dvelopp par Zimen................................................................................. 311 2. Notions de hirarchie et de dominance vues sous langle de diffrentes tudes .............. 318 3. Hirarchie de dominance : un concept utile ou inutile ? .................................................. 326 CHAPITRE XVII :
COMMUNICATION, HIERARCHIE ET DOMINANCE CHEZ LE CHIEN CONSEQUENCES DE LA DOMESTICATION

1. Communication ................................................................................................................ 341 2. Hirarchie et dominance chez le chien ............................................................................. 357 CHAPITRE XVIII : DU LOUP AU CHIEN : CONCLUSION SUR LA DOMESTICATION 1. 2. 3. 4. 5. 6. Une base sauvage diversifie............................................................................................ 367 Une slection artificielle importante................................................................................. 368 Les consquences dune slection portant sur lapprivoisement...................................... 371 Limportance des effets pliotropiques et polygniques .................................................. 376 Lhtrochronie comme pice fondatrice du processus domesticatoire ........................... 378 Les consquences de la domestication ............................................................................. 383

CONCLUSION ............................................................................................................................... 391

BIBLIOGRAHIE

............................................................................................................................. 395

INTRODUCTION

Le chien, Canis familiaris, est lune des espces les plus largement distribues travers le globe. Sa prsence est reconnue au ct de nombreuses civilisations et populations humaines, dont elle a suivi les flux migratoires sur les cinq continents. Le meilleur ami de lhomme est la plus ancienne espce domestique. La grande diversit de ses reprsentants actuels rend complexe la comprhension du processus de sa domestication. Ce travail se propose de contribuer cette comprhension. Une premire tape consistera dterminer lespce sauvage sur laquelle la domestication sest opre. Les hypothses proposes jusqualors par les biologistes, faisaient rfrences diffrentes espces originelles possibles, incluant le loup, dautres canids actuels comme le chacal, ou une espce maintenant teinte. Nous chercherons donc resituer le chien dans la taxinomie par lanalyse des caractres morphologiques et molculaires. Une fois tablie lorigine sauvage du chien, il sera intressant de sinterroger sur les modalits du passage ltat domestique, expriment par les peuples primitifs. On cherchera ensuite comprendre les mcanismes volutifs conduisant aux races contemporaines. On sintressera aux diffrents processus slectifs imposs par lhomme et leurs consquences directes et indirectes sur lapparition des traits domestiques. On cherchera alors sattacher au dterminisme biologique des modifications morphologiques et comportementales relatives la domestication. Finalement on tudiera lthologie du loup dans son milieu, pour la comparer celle du chien, afin dintgrer les consquences de la domestication dans la comprhension du comportement du chien.

CHAPITRE I
APPROCHE HISTORIQUE ET CADRE THEORIQUE DES PRINCIPES D EVOLUTION ET DE TAXINOMIE

Introduction Depuis toujours, lhomme a eu besoin de se situer au sein de la nature qui lentoure. Comme si paralllement lacquisition de la pense, linconnu devenait un gouffre dans lequel il ne pouvait plonger. Face cet inconnu il lui a toujours fallu poser des tiquettes, crer des modles, quils fussent mystiques ou rationnels, vitalistes ou mcanistes, afin de mieux apprhender limmensit de la nature et sy positionner, en donnant un sens au rel de lexistence. Ainsi par exemple, face la diversit, lhomme a prouv la ncessit dtablir des classifications, que ce soit des langues, des livres, des courants de pense, des animaux ou des plantes. Lobjet de cette tude relve elle aussi dune certaine ncessit de classification, en posant la question de situer la place du chien par rapport celle du loup. Cette problmatique renvoie deux grands principes de base de la biologie. Le premier est celui dvolution. Le second relve de la notion de classification. Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous aborderons ces principes travers un bref historique, nous soulverons les diffrences dapproche, afin de mieux comprendre les tudes voques pour les loups et les chiens et le cadre thorique dont elles tirent leurs fondements. I) Lvolution A) Lmergence de lvolutionnisme Que ce soit par le chamanisme ou linstauration des mythes des tribus primitives, ou plus tard lorsque les religions se furent dveloppes avec leurs dieux particuliers, responsables de la cration des choses et de la vie, vnement gnralement unique et primitif, lorigine du monde et de lhomme relevait toujours dune forme de transcendance et aucun processus dvolution ntait suppos. Un des grands obstacles lavnement dune pense volutionniste fut son caractre ncessairement infrentiel, ncessitant un cadre conceptuel appropri, puisque ne pouvant relever dobservations directes. Deux grands dogmes fondamentaux caractrisaient la vision du monde prvalente en Occident. Le premier considrait lunivers, dans ses moindres dtails, faonn par un crateur intelligent (crationisme). Le second postulait que le monde tait statique, invariable et discontinu (fixisme). Par exemple les espces se reproduisaient conformment aux modes ancestraux, gnration aprs gnration, sans connatre le moindre changement. Il faut remonter la fin du XVIIIme sicle pour voir les penseurs smanciper des conceptions triques des systmes prcdents et voir apparatre les premires thses de lorigine de la vie et des mtamorphoses des tre vivants. Ces changements ont suivi les pas de la rvolution scientifique. Dans les sciences physiques (depuis Copernic et Galile Newton et Laplace) les explications surnaturelles devenaient inacceptables et les thses avances sappuyaient de plus en plus sur un traitement rationnel et une explication mcaniste des phnomnes naturels, confrant une unit la nature, reflte par des lois gnrales. Limportant devenait la

recherche dune explication naturelle, sans toutefois trop scarter des crits de la Bible. Par exemple les fossiles taient le produit du dluge et en tmoignait. Le dveloppement de la gologie eut galement un rle primordial. La comprhension, par exemple, que la plupart des strates gologiques taient des dpts sdimentaires pouvant aller jusqu 30000 mtres dpaisseur, fut une vritable onde choc. Quelques fussent les diverses dcouvertes, elles renforcrent toutes la prise de conscience du grand ge de la terre et devinrent alors la source dinvitables conflits avec linterprtation littrale de la Bible, adoptant le chiffre de 4000 ans avant Jsus Christ comme date de la cration. Les dcouvertes toujours croissantes de la diversit de la flore et de la faune posrent de profonds dilemmes quant la possibilit de lArche de No de tout prendre. La dcouverte dune grande diversit de faune en fonction des diffrentes strates gologiques, et notamment dorganismes teints, fut dun grand intrt. Pourtant ni Cuvier, considr comme lun des pionniers de la science de la stratigraphie, ni Lyell grand gologue britannique, ne tirrent de ces faits la conclusion dun changement volutif de la faune. Ils postulrent que chaque faune fossile rsultait dune dissmination par une catastrophe totale ou ponctuelle et tait subsquemment remplace par des espces nouvellement cres. Chacun des 6 jours de la gense devenait une priode de dure indtermine, ou la description de la dernire intervention divine aprs le grand cataclysme qui aurait prcd le dluge de No. De lavnement du microscope dcoula la notion de gnration spontane, c'est--dire le fait que la matire organique pouvait engendrer des organismes microscopiques, ce qui contredisait le dogme de la cration unique. Cest donc dans ce contexte de violentes oppositions idologiques (entre distes, thiste ou athe, en biologie comme dans la pense sociale ou politique, ou en philosophie o les concepts de continuit et de plnitude de Leibniz faisaient face luniformit et la constance mathmatique de Descartes), avec laccroissement des nouvelles connaissances sur le monde, que les ides dvolution trouvrent leurs essences. Les concepts de gradualisme et de continuit de Leibniz reprsentrent un pr requis la naissance de cette pense volutionniste. Des penseurs tels que Maupertuis (sopposant aux tendances crationnistes et dterministes newtoniennes), Buffon (conscient de la possibilit dune descendance danctres communs, de la notion de variation provoque par lenvironnement) ou Diderot, Goethe et Kant ont jou un rle considrable dans ce courant de pense. Il fallu attendre Kant dans son Histoire universelle de la nature et thorie du ciel (1755) pour lire la cration nest jamais finie ni acheve, elle eut un commencement mais ne cessera jamais (177). Pourtant tous ces prcurseurs taient des essentialistes, expliquant le surgissement de nouveaux types par de nouvelles crations ou par le dploiement de potentialits prexistantes immanentes. Cependant, la scne tait prte pour un nouveau dpart et se fut Lamarck qui le prit. B) Lamarck et Darwin 1) Lamarck Une discussion longue et dtaille de la thorie de Lamarck sortirait du cadre de notre propos. Pourtant il faut, pour ce qui nous intresse, en sparer deux aspects essentiels. Le premier concerne ses ides sur le changement volutif, le second ses efforts pour expliquer leurs dterminismes gntiques et physiologiques. Partant de ses tudes sur les mollusques vivants et fossiles, Lamarck conclut que de trs nombreuses sries phyltiques, comme le monde au sens large, subissaient des changements lents et graduels. Ainsi, il adhra au principe leibnizien de plnitude (tout ce qui est possible existe rellement) dans la mesure o il considrait que les espces fossiles

tranges existaient, mais avaient chang tant et si bien que lon ne pouvait plus les reconnatre. Convaincu que la terre avait toujours chang, Lamarck considrait que les espces, pour quelles restent en harmonie avec leur environnement, devaient toujours sajuster et donc voluer. Il reconnut ainsi pour la premire fois limportance cruciale du facteur temps. Il sopposa donc la pense essentialiste et aux types invariables, et nettement spars les uns des autres, que cette pense prnait. Il remplaa la chane linaire, Scala Naturae , partant des organismes les plus simples vers une perfection croissante, par un arbre buissonnant. Il considra que la notion de gnration spontane ne pouvait sattribuer quaux organismes les plus simples, se complexifiant par lacquisition de nouvelles structures, et non aux lphants par exemple, comme le soutenait Maupertuis ou Diderot. La voie par laquelle il dcrivit lhumanisation de notre anctre anthropode fut tonnement moderne. Par consquent la thorie de Lamarck contrastait indubitablement avec les visions dun monde statique, voluant selon un rgime constant. Lamarck fut le premier tablir une thse cohrente du changement volutif. Sous ces aspects il fut le prcurseur de Darwin mais cest sur le second point, propos des mcanismes de lvolution, que la diffrence entre les deux hommes fut vidente, lui confrant jusqu nos jours les tiquettes de tlologiste et de vitaliste. Pour Lamarck, deux mcanismes sont lorigine du changement volutif. Le premier est une tendance naturelle vers une organisation progressivement plus complexe et parfaite. Le second tient la capacit des organismes ragir aux conditions particulires de lenvironnement. Les changements de lenvironnement induisent des besoins chez les organismes, qui leur tour engendrent des variations adaptatives. Il propose lide quun organisme peut se dvelopper par lusage et rgresser du fait du non usage. Il affirme, sans en proposer le mcanisme, lhrdit des caractres alors acquis. Pourtant Lamarck rejette linduction directe des nouveaux caractres par lenvironnement. Les circonstances influent certes sur la forme et lorganisation des animaux, mais elles noprent directement sur elles aucune modification. Les changements sont produits par les activits internes, physiologiques, consquences de la rponse lenvironnement. On lui attribue donc tort la thorie de leffet de volition, selon laquelle les adaptations proviendraient dune volont sourde des animaux. Par exemple pour certains des dtracteurs de Lamarck, une girafe mise dans un environnement o les feuilles devinrent plus hautes, ont vu leur cou grandir simplement en les regardant, par un mystrieux systme de rtroaction. On sous estime ainsi la chane de causalit labore par Lamarck, allant des besoins aux efforts, aux excitations physiologiques, la stimulation de la croissance et la production de structures. Il fallut attendre 50 ans aprs la philosophie zoologiste de Lamarck (1809) pour voir apparatre lun des plus grand ouvrage de biologie avec lorigine des espces de Darwin. 2) Darwin A partir dun grand nombre dobservations faites lors de son voyage autour du monde sur le Beagle et notamment sur les les Galpagos, sappuyant sur des penses telles celles de Lyell en gologie ou de Malthus et ses principes de populations, Darwin labora sa thorie de lvolution qui apparut comme une vritable rvolution dans la pense scientifique. Dans un premier temps, cette thorie propose que de nouvelles races et espces apparaissent dans la nature sous laction de la slection naturelle. Pour lessentiel, le mcanisme dpend de trois principes. Les organismes varient, ces variations peuvent tre hrites et ils sont sujets une lutte intense pour lexistence qui favorise ncessairement par slection naturelle, la prservation des variations avantageuses. Pour la girafe on peut maintenant proposer, que par hasard, certains individus taient ns avec un cou lgrement plus long, leur confrant un avantage slectif par la possibilit datteindre les plus hautes

branches en temps de famine ou de scheresse, augmentant alors leur chance de survivre et de laisser une descendance dote des mmes cous plus longs. Darwin tenait alors une thorie de lvolution entirement matrialiste et mcaniste. Contrairement aux thories pr darwiniennes, les variations sont purement alatoires, nuisibles, neutres ou avantageuses et non diriges, adaptatives et intentionnelles. Lvolution selon Darwin rfre donc deux processus de base : la mutation alatoire et la slection naturelle. Alors que pour Lamarck, les changements de lenvironnement ont priorit (ils induisent des besoins qui engendrent des variations adaptatives), pour Darwin des variations au hasard surviennent dabord et aprs seulement intervient lordonnancement de lenvironnement (slection naturelle). Dans un second temps Darwin explique limmense diversit apparente de la vie sur terre, par lextrapolation des processus qui amnent des changements mineurs, comme ceux observs sur les les Galpagos (macrovolution). Les grands principes de lvolution taient poss et trouvrent un support dtudes travers lavnement de la gntique. Cest ainsi que lassociation du darwinisme et du mendlisme aboutit la thorie synthtique de lvolution, comme si on avait tout compris. Pourtant de nombreux sujets de controverses existent encore lheure actuelle, portant essentiellement sur des notions de proportions. Quelle part accorder au hasard et quelle part la slection. Combien de gradualisme cher Darwin qui postulait Natura non facit saltum , (la nature ne fait pas de saut) et combien de ponctuations (transitions brusques entre espces voisines en parties expliques par des macromutations, cf. Goldschmidt et ses monstres prometteurs). Cependant, la trame de la pense volutive est communment admise par la communaut scientifique. Cest pourquoi il me parut important de la resituer dans le cadre de cette tude entre chien et loup. Plus quune rvolution scientifique, cest une vritable rvolution culturelle qui suivit Darwin, lhomme descendait du singe et non plus de dieu, rvolution allant mme jusqu tre utilise et transforme des fins sociales, parfois au grand drame de lhumanit (eugnisme ). II) La taxinomie : science de la classification Quiconque a dj regard un chien et un loup remarque une certaine ressemblance entre ces deux espces, de la mme manire quil notera une ressemblance avec un renard, un coyote ou un chacal. En allant un peu plus loin, on pourrait se demander si le chien ressemble plus au renard ou au loup et par la mme on essaiera de classer le chien parmi ce groupe danimaux. La taxinomie est la science qui soccupe de cette classification. Elle consiste aux regroupements des organismes en taxa, sur la base de leurs similitudes et de leurs relations de parent, dtermines par, ou dduites de leurs anctres taxinomiques. A la fois un outil pratique, la taxinomie sinterroge galement sur la faon dont le monde vivant est organis. A) Cadre historique Cest Aristote, le premier qui a formul les principes logiques gnraux. La nature fut alors conue comme un systme hirarchis, ordonn, o chaque groupe tait subordonn un autre plus largement inclusif. Selon la logique aristotlicienne la plus grande classe observ, le Summum Genus (par exemple les plantes) est divise par raisonnement dductif en deux classes (ou plus) subordonnes. Ce processus est rpt jusqu ce que les espces de plus bas niveau ne puissent plus tre divises. Cest donc une classification descendante. Cependant Aristote na pas class les animaux par cette mthode de division logique. En fait, il forma des groupes sur la base de lobservation (ressemblances sur la forme des organes etc.) et cest seulement aprs avoir tabli ces groupes, quil choisit des critres de distinction

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convenables, mme si ses critres peuvent rester abscons pour un biologiste moderne. Il rapportait par exemple tout aux quatre lments eau, air, terre, feu. Ceci reflte la difficult inhrente cette science pour passer de la mthode la pratique. Il fallut attendre le XVIIIme sicle pour que la taxinomie retrouve ses lettres de noblesse avec des grands noms comme Linn et son clbre systema naturae , Cuvier, Buffon ou encore Adanson. Les critres de regroupement alors utiliss, furent des critres de ressemblances qui visent rechercher lordre immuable de la cration (fixisme). Il fallut attendre Darwin, pour que finalement, larrangement des tres vivants soit sens rvler un lien plus ou moins dissimul par des degrs variables de modifications, lien qui nest autre que la communaut de descendance : toute vraie classification est forcment gnalogique (Darwin cit par 177). La classification devient alors un outil permettant de transcrire les relations phylogntiques (la parent) entre les taxons. Deux grandes conceptions qui perdurent aujourdhui saffrontent alors :


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